Grasse et l’art du parfum

Grasse et l’art du parfum

6 octobre 2021 Non classé 0

Cela donne également une nouvelle valeur onirique aux ingrédients. D’autant qu’on s’attache aussi désormais scrupuleusement à la qualité des ingrédients. Pendant longtemps, on a été peu regardant sur celle-ci. Toujours à Grasse, en revanche, dès 1983, à une époque où l’on privilégiait les prix de revient bas, une femme chimiste, Monique Rémy, a été la première à veiller à la qualité des distillations et des extractions. Elle a, entre autres, « nettoyé » les essences des poussières et des résidus qui pouvaient les polluer. En 2000, elle revend son laboratoire LMR à IFF. Aujourd’hui, à deux pas de l’Atelier du parfumeur, on y étoffe la palette du parfumeur. Sous la houlette de Bertrand de Préville, son directeur, les chimistes libèrent des plantes des concentrations aux odeurs plus vraies que nature, notamment grâce à l’extraction au CO2. Outre l’essence et la concrète d’une rose damascena qui sont connues depuis des millénaires, on arrive à mettre en flacon le parfum qu’elle exhale dans l’air au petit matin. Si le vétiver n’a été travaillé que par la racine, ses tiges révèlent d’autres accents. Et on peut rendre un bois de cèdre moins râpeux, plus crémeux. Les facettes odorantes de chaque fleur se multiplient. IFF collabore également avec des généticiens de l’INRA pour mettre au point de nouvelles variétés de végétaux. A l’automne, le jardin expérimental du laboratoire – qui jouxte le mas qui a appartenu à Orson Welles – manque un peu de couleurs. Les floraisons sont passées. Iris et tubéreuses se préparent à dormir, mais dans la serre, quelques pélargoniums sont encore en fleurs. Pas moins de 87 variétés de ce géranium sont expérimentées. Quelles odeurs révéleront-ils l’été prochain? Mystère encore…

Créateurs d’émotions
«La demande exige la qualité des matières premières, on ne peut plus tromper le client.»
Tout en ayant jamais été aussi authentique, le champ d’expérimentation olfactif s’élargit pour écrire de nouveaux chapitres, tous ancrés dans le terroir mais totalement avant-gardistes. Les parfumeurs travaillent désormais des sensations, donnent de la texture, de la lumière. Ainsi, dans le cadre d’un travail libre, le nez Domitille Michalon-Bertier a interprété les émotions ressenties lors de la visite du jardin botanique Inhotim, au Brésil. Un parfum vert qui traduit le fraîcheur des sous-bois, la turgescence des tiges et des feuilles… Reste un bémol: convaincre les preneurs d’ordre. « Cela commence, dit encore Sabrya Meflah. Les groupes, notamment L’Oréal, ont compris le lien très fort qui existe entre la qualité des matières premières et le succès de leurs parfums. Ils acceptent d’investir davantage dans les essences. La demande exige la qualité. On ne peut plus tromper les clients.»

Enfin… espérons-le.

L’art du parfum
Deux fois par an, en avril et en octobre, L’Atelier du parfumeur ouvrira ses portes pour des master-classes qui réuniront 20 personnes autour de deux parfumeurs qui les initieront à leur métier, aux matières premières et réaliseront les bases d’une composition. Les participants seront choisis par les parfumeurs grâce à un court texte expliquant l’intérêt de chaque candidat pour ce métier.

Des matières premières bio
Matière Première, tel est le nom du label lancé cet automne par le parfumeur Aurélien Guichard. Soit six fragrances travaillées pour souligner des matières premières comme le santal, l’encens, le musc ou le néroli et le cédrat. Issu de sept générations de parfumeurs grassois, il achète un champ à Tourettes, en 2018, et, avec son père, Jean Guichard, crée l’exploitation agricole Chautard. L’été dernier, ils ont récolté leurs premières roses centifolia bio Chautard, qu’ils réservent à leur propre usage. D’autres plantes à parfum sont en terre: la tubéreuse, la sauge et le jasmin